top of page

Interview : Réflexions sur l'identité européenne, avec Herman Van Rompuy

Par session Webex à la suite de son séminaire donné au Collège en avril dernier, Mélanie Carrère-Fontana et Hélène Court-Fortunaz ont pu rencontrer Herman Van Rompuy, ancien président du Conseil européen et discuter avec lui d’identité européenne, de la crise du Covid-19, de carrière et d’élargissement.


L’Union européenne a connu de nombreux débats sur le fait de savoir ce qui constitue l’identité européenne. Qu’est-ce que c’est pour vous qu’être européen ? Peut-on dire qu’il y a une identité européenne ?


L’identité est importante parce que c’est ce qui constitue notre personnalité. D’abord, on se sent proche de ce qui est le plus proche de chez soi. C’est très naturel. Il y a une identité de bas en haut : on se sent habitant d’une commune, d’une région, appartenant à une communauté culturelle, à un pays, puis à l’Europe. Il y a donc différentes couches d’identité. Souvent, la plus forte est la plus proche de chez nous. Mais l’un n’empêche pas l’autre. La devise « unis dans la diversité » reconnait ces différentes couches d’identité. Ensuite, il est très difficile de définir une identité. Par exemple, au sein de la communauté flamande, on a la même langue, le néerlandais, mais on n’a pas toujours eu la même histoire. Une partie de la Flandre appartenait au Saint Empire Romain-Germanique, à l’Allemagne, une partie était plus proche de la France et une autre était assez indépendante.


Quand on parle de l’identité européenne, c’est encore plus compliqué. On a 24 langues, différentes histoires, et des histoires où l’un occupe l’autre. La Belgique a été occupée par pratiquement tout le monde : par la France, par l’Italie avec les Romains, par l’Allemagne encore tout récemment, par les Pays-Bas, par la Norvège avec les Vikings, par les Espagnols pendant des siècles. Les seuls qui ne nous ont pas occupés sont les Britanniques et ils viennent de nous quitter. On a une histoire ensemble, c’est vrai, mais c’est une histoire compliquée. Ce n’est pas une histoire où on fait des choses ensemble mais une histoire où l’on s’est battu. Ensuite, en Europe, on n’a pas tous la même religion. A partir du 16ème siècle, on a le protestantisme et le catholicisme. Depuis mille ans, il y a la grande séparation entre l’Eglise orthodoxe et l’Eglise romaine et on sous-estime l’importance qu’a l’orthodoxie dans l’UE. Il y a quatre Etats qui ont une majorité orthodoxe. Cela fait partie de l’identité européenne, mais il y a beaucoup de diversité et peu d’unité.


Malgré tout, il y a une identité européenne et on la perçoit souvent par comparaison. Quand on vient d’Asie, d’Afrique ou des Etats-Unis, et qu’on atterri dans un pays européen, on dit qu’on est chez soi parce qu’on se sent différent des autres. Il y a ce sentiment d’identité positive qui regroupe beaucoup d’éléments, mais il n’y en a pas un qui est déterminant. On doit éviter que cette identité européenne devienne une identité négative où l’on se revendique comme supérieur à l’autre, où l’autre est différent, mais où il est aussi un ennemi. On a alors un conflit de civilisations. Ce n’est pas parce qu’on est différent qu’on doit être ennemi. On peut reconnaitre nos différences. Je suis tout à fait d’accord avec ce que le Président français François Mitterrand avait dit il y a 30 ans : « le nationalisme c’est la guerre », en parlant d’un nationalisme excessif bien évidemment. C’est une différence entre ce qu’on appelle le patriotisme et le nationalisme, entre ce sentiment positif d’appartenir à un pays, de faire partie d’une communauté culturelle et le fait qu’on soit opposé à quelqu’un qui est autre que soi-même.


La faute qu’il ne faut surtout pas commettre, c’est de chercher une définition trop précise. Il n’y en a pas. Mais ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de définition exacte que ça n’existe pas. Aujourd’hui, certains intellectuels se demandent ce que signifie exactement la notion d’identité. Leur conclusion est de dire que puisque ça ne veut rien dire, ça n’existe pas. Alors que les gens se sentent Français, se sentent Flamands ! Et ils n’ont pas besoin d’une définition exacte. Quand on nie ce que les gens sont, on est en porte-à-faux et on risque de ne pas comprendre ce qui se passe dans une société. Le problème de l’identité est donc à prendre au sérieux. La notion d’’identitaire’ relève encore d’autre chose, on est là très proche du nationalisme radical. Il n’y a donc aucun problème à être quelqu’un avec certaines qualités et certains défauts, tant qu’on ne prétend pas que l’on est supérieur à l’autre.


Bien sûr, en France c’est autre chose. La France a une histoire millénaire et ses frontières n’ont pratiquement pas changé pendant cette période. D’autres pays ont une toute autre histoire. Et la communauté à laquelle j’appartiens a dû se battre pour son identité. Pendant 100 ans, nous n’avons pas pu apprendre notre propre langue. En Pologne, pendant près de 130 ans, il n’y avait pas d’Etat polonais. Il était divisé entre la Prusse, la Hongrie, l’Autriche et la Russie. La Pologne avait disparu. Bien sûr, il y avait un peuple polonais mais il était réparti sur trois pays. Ce sentiment d’identité est plus fort quand on sort d’une forme d’occupation ou de non-reconnaissance de son identité, et la langue joue un très grand rôle. A l’inverse, en France, l’identité est quelque chose de tout à fait évident.



La nouvelle Commission a souhaité, parmi ses objectifs, assurer la protection du mode de vie européen et cela a créé de nombreux débats notamment au sujet de la dénomination du portefeuille de Commissaire de M. Schinas. Est-ce que cela vous parait pertinent ? Peut-on dire qu’il y a un mode de vie européen, et si oui est ce qu’il est danger et dans le besoin d’être protégé ?


Quand on a introduit l’intitulé original au début, on a créé l’impression qu’il y avait une menace contre laquelle il fallait défendre notre way of life. Tout le monde l’avait interprété sous une forme très défensive d’abord, et ensuite comme démarcation d’un ennemi potentiel que certains populistes cataloguaient comme étant l’Islam. On ne peut pas se permettre d’être ambigu sur cela. La Commission a précisé très vite qu’il s’agit de la promotion de notre manière de vivre. On peut parler d’un European ‘way of life’ en quelque sorte, parce qu’on en connait les composantes : on est partisan de la démocratie politique, on est pour une économie sociale de marché avec un haut degré de protection sociale qu’on découvre à nouveau maintenant dans la crise sanitaire. Les soins de santé, la sécurité sociale sont quelque chose de capital. On a ce pluralisme culturel et la protection des minorités, il y a notre tradition de l’état de droit.

Bien sûr, si l’on veut dire que l’on va protéger et promouvoir cela, il n’y a aucun problème. Au contraire même, c’est notre devoir de le faire. Certains aspects sont même mis en danger à l’intérieur de l’Union européenne. Je parle de ce qui se passe en Hongrie ou en Pologne. Le commissaire Schinas doit promouvoir notre way of life. On n’est pas sous menace, on ne sera pas envahi, mais on est fier des composantes de notre way of life : démocratie politique, pluralisme culturel, religieux et idéologique, économie sociale de marché etc.


La Commission a fait part de sa volonté d’envisager un élargissement de l’Union dans les cinq années à venir. Le Conseil a récemment accepté de débuter les négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord. Pensez-vous que cette décennie peut voir un nouvel élargissement ? Un élargissement aurait-il une influence sur le concept d’identité européenne ? Cela conduirait-il à des évolutions de la notion ou bien serait-ce davantage l’intégration de ces Etats dans une identité européenne déjà forgée ?


Tout dépend à nouveau de ce qu’on entend par identité. Ces pays ne peuvent pas adhérer à l’UE s’ils n’acceptent pas les composantes de notre modèle économique et politique. C’est à prendre ou à laisser. Il y a l’acquis communautaire et on doit accepter les règles du jeu du club quand on veut le rejoindre. C’est le côté formel. On doit s’intégrer dans ce qui existe.

Est-ce que l’adhésion de ces pays changerait le caractère de l’UE ? D’abord, ce sont des petits pays. Je viens d’un petit pays mais ceux-là sont encore plus petits. Il y a l’Albanie et la Macédoine du Nord, mais on négocie aussi avec la Serbie qui a 5 ou 6 millions d’habitants. On négocie aussi avec le Monténégro qui ne compte qu’un million d’habitants. Au total, après le Brexit, nous sommes 440 millions d’Européens. Ce ne sont pas ces petits pays qui vont changer la nature culturelle, religieuse ou autre de l’UE. Je dirais que ça peut être un enrichissement parce que pas mal de ces pays sont de tradition orthodoxe. Certains de ces pays ont déjà rejoint l’UE, comme la Bulgarie, la Roumanie, la Grèce ou Chypre. Si d’autres pays nous rejoignent avec cette culture orthodoxe, c’est un enrichissement.


Est-ce que ça se fera très vite ? Vous avez parlé de dix ans. Je n’en sais rien. Normalement dix années devraient suffire si on fait preuve de bonne volonté de part et d’autre pour conclure un accord. Je sais bien qu’il y a dans l’UE ce qu’on appelle en anglais un ‘enlargement fatigue’. Mais j’ai vécu cela lorsque j’étais Président du Conseil européen. C’était aussi ce que l’on disait et ça ne nous a pas empêché d’accepter la Croatie comme membre de l’UE et elle est même maintenant candidate pour rejoindre la zone euro. Le jour où elle en sera membre, elle sera même plus membre de l’UE que par exemple la Pologne qui n’est pas membre de la zone euro. Cette fatigue quant à l’élargissement est un nouveau problème.


Est-ce que ça rendra la prise de décision dans l’UE plus difficile ? Quand je vois les pays avec lesquels on a des problèmes, ce ne sont pas toujours les nouveaux membres. Certains membres du groupe de Visegrad ne font pas partie de la zone euro : la Pologne, la République tchèque et la Hongrie. Est-ce que ça veut dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes dans la zone euro ? Pas du tout. On a aussi nos différends à l’intérieur de la zone euro actuelle. On pointe souvent du doigt les pays de Visegrad, en se demandant si on n’a pas fait une erreur en les intégrant, ou en intégrant la Roumanie et la Bulgarie. Je constate que c’est difficile dans la zone euro et pourtant on n’a pas de Bulgare, de Roumain, de Tchèque, de Hongrois ou de Polonais.

L’élargissement n’est pas la cause principale de certains problèmes qu’on a à l’intérieur de l’Union et à l’intérieur de la zone euro. Je suis donc en faveur de l’élargissement si on respecte les critères, pas uniquement en théorie mais aussi en pratique. Je comprends les Français et d’autres ici qui disent qu’il ne suffit pas de cocher les cases. On doit être sûr que la législation soit exécutée. Il ne suffit pas de voter des lois contre la corruption. On doit être certain que les pays qui nous rejoignent soient des pays où l’état de droit en pratique et en théorie est vraiment respecté. On prendra moins de risque maintenant que par le passé.


La réponse européenne à la situation entrainée par la pandémie de coronavirus confirme-t-elle ou infirme-t-elle le renforcement d’une identité européenne notamment par rapport au lien entre solidarité et identité européenne. Quel lien feriez-vous entre ces deux concepts ?


D’abord, c’est un problème mondial et pas uniquement européen. Le mot grec ‘pan’ veut dire ‘le tout’. Il s’avère maintenant aussi que c’est un problème européen, mais qui ne touche pas tous les pays avec la même intensité. Puisque c’est quelque chose qui vient de l’extérieur et qui frappe les pays d’une façon différente, la solidarité s’impose encore plus que par le passé. Avant, comme lors de la crise euro, on pouvait reprocher à un pays sa mauvaise gestion et lui refuser toute solidarité en lui demandait d’abord de réguler sa situation avant de faire appel à la solidarité des autres. Aujourd’hui, c’est quelque chose qui nous frappe tous et qui vient de l’extérieur. C’est une crise d’une toute autre nature. On doit s’aider mutuellement pour vaincre cette crise sanitaire et éliminer ce virus.


Dans la plupart des cas, il s’agit d’ailleurs d’emprunts qui devront être un jour remboursés. On appelle cela la solidarité mais il faudra rembourser. D’autre part, il se peut que ça aille encore plus loin. L’Italie est très frappée par ce qui se passe et était déjà dans une situation assez fragile avec une dette publique de 135%. Si, après cette crise, elle a un taux d’endettement disons de 25% de plus à titre d’exemple, il faut tout faire pourque la dette de ce pays reste soutenable. Est-ce qu’il ne vaut pas mieux être solidaire avec des pays très endettés dans certaines limites et avec certaines conditions pour éviter une crise de la zone euro ? C’est un des enjeux. Les pays qui sont assez réticents maintenant doivent réaliser que s’il y a une crise de la zone euro, ils en paieront aussi la facture. Est-ce qu’on va faire comme dans le passé et attendre que l’intérêt national de certains pays nordiques coïncide avec l’intérêt européen ? On peut alors perdre beaucoup de temps. Et entre temps la crise s’aggraverait. On ne doit pas oublier une définition de la solidarité qu’on appelle aujourd’hui l’intérêt personnel éclairé, selon lequel, en aidant les autres, on s’aide soi-même parce qu’on évite une crise majeure. C’est aussi un élément dont on doit tenir compte.

On a un ennemi commun, le virus et on doit être solidaire pour s’entraider et le vaincre. On le fait souvent par des emprunts, mais il se peut aussi qu’on doive faire plus. On doit avoir davantage de solidarité et tout le débat sur la mutualisation de la dette vient de là. Personne ne demande qu’on reprenne une dette existante mais plutôt qu’on évite que cet accroissement d’une dette publique provoque une crise plus large. Pratiquer la solidarité est à ce moment-là dans l’intérêt de chaque membre. Je suis convaincu que la zone euro survivra la crise corona. On vient de décider sur un paquet de solidarité de 540k €. On négocie sur un fonds de redressement encore plus important et plus solidaire.


Vous avez été le Premier Président du Conseil européen, comment observez-vous l’évolution de la fonction avec vos successeurs D. Tusk et C. Michel ? Est-ce que le Conseil européen a besoin d’un leader fort capable d’imposer des développements lors de certaines crises ou bien faudrait-il plutôt des capacités de médiation et de diplomate ?


Le Président du Conseil idéal n’existe pas, sauf le premier qui était un Président idéal ! Je m’excuse pour le ton ironique. Il faut bien réaliser deux choses. D’abord, nous avons dû tous les trois faire face, en début de mandat, à des crises majeures auxquelles personne n’était préparé. Personne n’était préparé à la crise de la zone euro, l’euro était là pour toujours et on était extrêmement fier d’avoir une monnaie commune. Ensuite, mon successeur entre en fonction et huit mois après arrive la crise des réfugiés. Tout d’un coup, un million et demi de personnes qui n’appartiennent pas à l’UE y entrent. C’est une crise majeure. Certains pays qui n’ont même pas accueilli beaucoup de réfugiés avaient l’impression qu’ils étaient sur le point d’être envahis par des gens qui venaient du dehors. On a survécu aussi à cette crise.


Mon deuxième successeur et compatriote Charles Michel entre en fonction. Tout commence bien avec le Green Deal, l’accord de décembre, et maintenant il y a cette crise insaisissable, mondiale, où l’UE a des compétences minimales parce qu’elle n’est pas compétente en matière de santé. Elle est compétente pour la coopération trans frontalière mais Ce sont les Etats qui sont compétents en matière sanitaire. Tous les trois présidents, on a dû faire face à l’inattendu. Lorsque l’on m’a questionné sur les grands défis du début de mandat de Charles Michel, j’ai expliqué que l’on ne sait pas ce qui peut arriver, mais tout peut arriver. Eh bien c’est arrivé et on doit gérer cela. Il y a le côté improvisation.


La deuxième chose dont on doit tenir compte, c’est que le Président du Conseil européen n’est pas jugé sur les propositions qu’il fait, sur ses interviews ou sur ses grands discours. Il est jugé sur le résultat de son action. C’est un effort collectif, au niveau des Etats membres, surtout maintenant, et au niveau européen, surtout quand il s’agit de l’économie. A la fin, on juge sur le résultat. Si le résultat est bon, on dit : « Ah quel grand président du Conseil européen ! » Si le résultat est maigre le Président en subira aussi toutes les conséquences. Mais il n’est pas le seul, toute l’Europe et tous les citoyens européens subiront toutes les conséquences d’un échec. J’espère que dans la zone euro, et au niveau de l’UE, on trouvera ce consensus sans trop tarder. On agit maintenant plus vite que de mon temps parce qu’on a tiré certaines leçons quand même.

Bien sûr, on est uniquement en début de crise. Economiquement parlant, on doit faire face à la plus grande crise économique depuis un siècle. On doit agir avec les 27 Premiers ministres et Présidents, avec la Commission, avec le Président du Conseil. On doit en sortir ensemble. A nouveau, le Président du Conseil peut lancer des idées, avoir un écho dans la presse, mais à la fin, c’est le résultat qui compte. Et là, j’avais l’avantage de mon temps où on a travaillé pendant deux ans et demi, on a vaincu la crise de la zone euro, et on a salué un bon Président du Conseil européen parce que le résultat était bon. Mais ça nous a pris deux ans et demi ! Et combien de hauts et de bas. Je ne les compte pas, il y avait plus de bas que de hauts mais à la fin nous avons vaincu.


Donc je souhaite à Charles Michel de réussir, pas uniquement pour lui personnellement, mais pour le peuple européen, parce que, encore une fois, s’il y a un échec du Conseil européen, c’est un échec collectif, pour l’Union et pour tous ses habitants.


Pour terminer sur une note plus légère, le Collège a fêté ses 70 ans l’année dernière. Est-ce une institution qui permet de créer un sentiment européen parmi ses étudiants ou qui renforce un sentiment d’identité européenne ?


Le Collège a une réputation qu’on ne doit pas sous-estimer. Partout où je vais, je rencontre des anciens du Collège. On les rencontre partout et ils ont une certaine solidarité parmi eux. Là, vous ne réalisez pas le privilège que vous avez. Vous vivez pendant pratiquement une année avec des personnes de 40 nationalités différentes. C’est une expérience de vie, c’est beaucoup plus qu’une simple année d’études. Le concept européen, l’idée européenne, le sentiment européen ne relèvent pas uniquement de débats intellectuels. C’est une démarche, une idée existentielle. Ceux qui ont eu cette expérience ne l’oublient jamais et ça crée précisément cette solidarité entre les anciens parce qu’ils ont vécu la même chose, pas forcément ensemble, mais ils ont la même expérience de vie.


Sur un plan plus personnel, comment vivez-vous l’expérience d’enseigner au Collège et d’être passé d’un très haut responsable européen à celle de professeur ? Que retenez-vous de cela et de votre engagement au sein du Conseil administratif du Collège ?


Après mon mandat, ma vie politique, j’ai commencé à enseigner. Je suis fils de professeur, et je n’ai jamais eu de carrière académique parce que mon père l’était. Après ma carrière politique, j’ai donc commencé à enseigner à mon université à Leuven, à Louvain la Neuve, à Bruges, à Sciences Po Paris. Maintenant, je me limite à Bruges et un petit peu à Leuven, mon alma mater. J’apprécie cela parce que je ressens un besoin de transmettre des connaissances. Il y a de nombreux professeurs qui techniquement sont certainement beaucoup plus compétents dans les différentes matières. Je ne dois pas expliquer tous les aspects juridiques du fonctionnement de la Commission européenne, je n’en suis pas capable. Mais je peux transmettre la manière dont j’ai vécu ces cinq années à la tête du Conseil européen.

Je ressens ce besoin de le communiquer à la nouvelle génération. Ce côté-là me passionne. Bien sûr, on parle toujours du contact avec la jeune génération mais j’ai aussi quatre enfants qui sont jeunes donc j’ai toujours eu ce contact. Je préfère publier des livres, faire des discours et enseigner. Mais je ne continuerai pas à le faire pendant des années et des années. J’ai 72 ans donc il y a un moment où on doit s’arrêter.


Maintenant j’ai le privilège d’être Président du Conseil d’administration du Collège, ce qui n’est pas non plus une fonction pour l’éternité. Je suis très honoré qu’on me l’ait demandé. Un de mes prédécesseurs, et mon prédécesseur en tant que Premier ministre belge, Jean-Luc Dehaene, que j’apprécie et avec qui j’ai beaucoup travaillé, a aussi occupé cette position avec conviction pendant dix ans. Mais il était beaucoup plus jeune que moi quand il a commencé. C’est aussi une raison pour laquelle j’ai immédiatement accepté de venir. Je ne dois pas le faire pour la rémunération puisqu’il n’y en a aucune. On fait tout cela pour la bonne cause, pour la cause européenne.


Interview conduite par Hélène Court-Fortunaz et Mélanie Carrère-Fontana le 17 avril 2020. Nos remerciements à Herman Van Rompuy d’avoir accepté de nous rencontrer pour cette interview.

78 views

Komentar


bottom of page