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L'IMPÉRATRICE NUE DE BRUXELLES : La Commission Européenne hors-jeu pendant la crise du coronavirus


Credits : Felix Scheuenstuhl

Le coronavirus n’a pas seulement mis en quarantaine presque tous les citoyens en Europe, mais il a aussi plus que jamais isolé la présidente de la Commission Européenne. Au moment où les Italiens ont appelé les partenaires européennes à l’aide, la Commission Européenne avait comme seule option de lancer un appel à la solidarité aux membres de l’UE, sans possibilité d’établir des mesures contraignantes ou actions concrètes.


De plus en plus de critiques ne visent plus l’UE dans son ensemble mais particulièrement la Commission et sa présidente Ursula von der Leyen. Markkus Söder, ministre-président de la Bavière, déclarait dans le magazine Der Spiegel « En fait, cette crise serait maintenant l'heure de l'Europe et l'heure de la Commission Européenne. Mais c'est étrangement calme à Bruxelles".


Avant toute chose il est important de rappeler que la santé reste une compétence des états membres, ce qui limite le champ d’action de la Commission Européenne. Par conséquent, elle a mis en œuvre des réponses dans les domaines où elle dispose des compétences nécessaires, principalement sur les questions économiques.


Le sacro-saint Pacte de stabilité budgétaire mis en quarantaine


La première victime du coronavirus est sans doute le pacte de stabilité budgétaire, qui limite la dette des états membres à 60% du PIB avec un plafond de 3% pour le déficit public par an. Vendredi dernier, alors que l’Italie, l’Espagne et la France étaient déjà sous confinement, la Commission Européenne a déclaré qu'elle considérait que les conditions de la clause dérogatoire étaient remplies, ce qui a permis aux 27 ministres des finances de suspendre la règle budgétaire.


Le déclenchement de la procédure pour la suspension de la règle budgétaire est une bénédiction officielle offerte par la Commission aux mesures nationales, seulement elle était jouée d’avance. En effet, on peut aisément imaginer que, même sans la permission de la Commission, les états membres auraient ouvert les vannes pour une relance fiscale. La Commission d’Ursula von der Leyen a donc été une fois de plus dans la réaction plutôt que dans l’action.


37 milliards d’euros pour sauver l’Europe - Une goutte d'eau dans l’océan


Le 13 mars, quatre jours après que l’Italie ait imposé un confinement national, la Commission sort enfin de son hibernation en proposant 37 milliards d’euros d'investissements publics européens pour faire face à la crise provoquée par le coronavirus. Les fonds structurels et d'investissement européens envoient chaque année des chèques aux États Membres pour préfinancer certains projets. En temps normal, la somme non-dépensée doit être restituée à l’UE l’année suivante. En renonçant à cette restitution, la Commission met ainsi à disposition environ 8 milliards d’euros. Pour arriver à 37 milliards d’euros, la Commission contribue en plus à hauteur de 29 milliards d’euros des fonds structurels et d'investissement européens du budget de 2020 pour combattre la crise du coronavirus.


En temps normal, 37 milliards d’euros sembleraient être une somme considérable. Mais à l’heure du coronavirus, l’Allemagne a lancé à elle seule un plan de relance de 156 milliards d’euros, soit 4 fois plus que la Commission pour l’ensemble de l’UE.

Les 37 milliards d’euros de la Commission pour combattre le coronavirus, vont aussi manquer ailleurs, parce qu’il ne s’agit pas d’argent frais mais ce sont des fonds initialement prévus pour d’autres projets, qui ne seront alors plus financés.


Le marché unique à bout de souffle


La libre circulation des biens et des personnes, pilier central du marché unique, a été mise à rude épreuve par les fermetures en cascade des frontières. L’interdiction d’exporter des masques et d’autres matériaux médicaux par la France et l’Allemagne vers l’Italie ont endommagé l’image de l’Europe en Italie, même si avec une pression maximale la Commission a finalement réussi à lever ces restrictions unilatérales.


Des dizaines de kilomètres des camions bloqués en Allemagne en direction de la Pologne sont devenus le symbole d’un marché unique à bout de souffle. L’Europe risque de s’étouffer si les marchandises ne circulent plus librement et en conséquence les supermarchés partout en Europe ne seront plus suffisamment approvisionnés.


L'impératrice nue de Bruxelles


En agissant strictement dans les limites de ses compétences, Ursula von der Leyen n’a pas réussi à s’imposer comme capitaine de la politique européenne. Dans ce temps de crise, l’UE a besoin d’un leader spirituel, qui incarne l’espoir et la solidarité européenne. A peine élue depuis 100 jours, sans faire campagne et imposée au Parlement par le Conseil, en particulier par Emmanuel Macron, Ursula von der Leyen est une grande inconnue pour le public européen. Nous avons vu des allocutions des chefs d’Etat sur les chaines de télévision partout en Europe, mais la présidente de la Commission reste muette. Pourquoi n’apparait-elle pas dans les journaux de 20 heures en Italie, en France ou en Espagne ?


Cette crise montre encore une fois que la Commission à des pouvoirs limités, se concentrant sur les domaines du marché unique et d’autres questions économiques et budgétaires. Ursula von der Leyen risque d’être une impératrice sans pouvoir réel, qui voit son empire s’effondrer. Seulement si elle réussit à sortir de l’isolement et à passer de la réaction à l’action, elle pourra changer la donne et incarner une Europe qui donne espoir.


Pour sa défense, il est vrai que le budget de la Commission est très limité, et ce sont principalement les États Membres qui n’autorisent pas à la Commission Européenne à avoir un rôle allant plus loin que celui de la coordination. Mais la politique en général et celle de l’économie en particulier se joue aussi sur la psychologie, et c’est là où Ursula von der Leyen échoue. Elle ne parvient pas à écrire une histoire positive au sujet de l’Europe, qui donne espoir aux acteurs de la santé, mais aussi à ceux du monde économique. La relance va se jouer sur la confiance : la confiance dans le système de santé ravagé par les années d’austérité promue par la Troika, la confiance dans la solidité des institutions de l’Europe et la confiance dans l’âme de l’Europe qui incarne la solidarité et l’espoir pour un avenir meilleur.


This article is the second of the series: Three Women to save the Euro – Economics in times of Corona. The first article focused on the European Central Bank’s reaction to the corona-crisis. This second article investigates how the EU with its Commission President Von der Leyen prepares the EU for upcoming economic crisis. Lastly, it will be analysed how a member state, in this case Germany governed by Angela Merkel, wants to protect its companies and workers.

Written by Felix Scheuenstuhl, 29th of March 2020

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